Roosevelt, l'homme qui a sauvé l'Europe

Roosevelt, l'homme qui a sauvé l'Europe
Le président Franklin D. Roosevelt, de la couverture du magazine «Look», Janvier 1941 ( BRIDGEMANART.COM)

Le documentaire "le Jour où... Roosevelt a choisi la guerre" fait une démonstration limpide du double langage du président américain. Décryptage.

Par Le Nouvel Obs
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En Histoire, chausser les fausses lunettes du déterminisme conduit souvent à troubler l’analyse, l’enchaînement des événements n’ayant jamais rien d’inéluctable. Il est des moments de bascule, des virages à ne pas rater, pour en changer le cours. Quelques rares individus d’exception parviennent à accomplir cette prouesse. C’est ce que s’applique à démontrer le duo formé par Laurent Joffrin et Laurent Portes au fil de leur trilogie portant sur des acteurs majeurs de la Seconde Guerre mondiale. Après Churchill et de Gaulle, le troisième film de cette série est consacré à Roosevelt, président des Etats-Unis de 1933 à 1945. Il s’ouvre sur son discours au Congrès, le 8 décembre 1941, au lendemain de la tragédie de Pearl Harbor : 3 000 soldats et marins tués, et l’essentiel des forces navales américaines détruites en trois heures et deux assauts surprises de l’aviation japonaise... Quelques heures plus tard, ce président paralytique, qui combat la maladie depuis déjà deux décennies, fait preuve d’une force de persuasion hors du commun pour lever les derniers doutes des parlementaires. A l’image de l’opinion, ceux-ci étaient, de longue date, réticents à entrer en guerre.

Sous-secrétaire d’Etat à la Marine lors du premier conflit mondial, Roosevelt lui-même en était ressorti pétri de convictions pacifistes. Plus jamais ça, plus jamais la guerre ! Tel était son credo, à l’image d’un pays qui avait versé durant l’entre-deux-guerres dans un isolationnisme viscéral. L’Europe est lointaine, et l’accession au pouvoir de régimes fascistes, en Italie puis en Allemagne, n’émeut guère les Américains. C’est même en renouvelant ses promesses d’une paix durable que l’homme du New Deal se fait réélire pour un troisième mandat à la Maison-Blanche en novembre 1940.

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Une stratégie machiavélique

La grande réussite du film consiste en la démonstration limpide du double langage du président américain. Une « stratégie machiavélique » qui va à la fois inciter le Japon à déclencher les hostilités et faire basculer l’opinion américaine. Mélange d’images d’archives, riches et variées, et de reconstitutions subtiles, incarnées par des comédiens qui reproduisent les entrevues de Roosevelt avec Churchill ou avec l’ambassadeur du Japon à Washington, le film déroule le compte à rebours de la marche à la guerre. Il est ponctué d’une série de sondages de Gallup, premier institut de sondages mondial créé à l’aube des années 1930, qui décrivent l’évolution de l’opinion. En 1936, 95 % des Américains sont hostiles à une intervention des Etats-Unis si la guerre éclate en Europe. Trois ans plus tard, au lendemain de l’invasion de la Pologne par Hitler, 82 % font porter la responsabilité du conflit sur le IIIe Reich et 57 % souhaitent que les Américains intensifient leurs livraisons d’armes. Quelques mois encore, enfin, et 68 % des Américains prôneront un soutien sans faille de Washington à l’Angleterre de Churchill qui, après l’effondrement de la France, fait seule face à l’Allemagne nazie.

Roosevelt resserre alors ses liens avec le locataire du 10 Downing Street. Le film rappelle que l’amitié entre les deux hommes remonte à la Première Guerre mondiale, lorsqu’ils siégeaient dans leurs gouvernements respectifs, et qu’ils ont su nouer au fil du temps une vraie complicité. Pour rassurer son ami, Roosevelt se fend d’une déclaration entrée dans l’Histoire –

les Etats- Unis seront l’arsenal de la démocratie

– et il le retrouve dans le plus grand secret sur un porte-avions qui croise, à la mi-août 1941, au large de Terre-Neuve.

Dans le même temps, l’expansionnisme de l’Empire japonais menace plus directement les Etats-Unis et convainc l’administration américaine de la nécessité de préparer la riposte. Dès 1932, les forces de l’empereur Hirohito envahissent la Mandchourie. Cinq ans plus tard, la Chine est attaquée à son tour. L’armée japonaise y multiplie les exactions, 5 millions de Chinois sont déportés et 57 000 soldats exécutés à Nankin après s’être rendus. Le documentaire souligne que le nationalisme japonais n’a pas grand-chose à envier au nazisme tant il exalte, lui aussi, la supériorité d’une race prétendument supérieure qui aurait vocation à conquérir et occuper un « espace vital » s’étendant dans tout le Pacifique.

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Au fil d’entrevues régulières avec l’ambassadeur du Japon, Roosevelt et son secrétaire d’Etat Cordell Hull entretiennent l’illusion des négociations. Leur véritable dessein consiste à gagner du temps pour pouvoir réarmer le pays, tout en intensifiant l’aide au Royaume-Uni. Dans le même temps, une fracture se creuse au sein du pouvoir à Tokyo entre faucons et colombes. Les premiers l’emportent et Hirohito donne l’ordre d’attaquer Pearl Harbor le 7 décembre 1941.

Une date qui restera marquée du sceau de l’infamie

clame le président Roosevelt devant le Congrès. Sa détermination et son habileté entraînent son pays, et son peuple, dans la guerre. La puissance, humaine et matérielle, des Etats-Unis scelle le sort du conflit qui ne s’achèvera que quatre ans plus tard.

Dimanche 4 octobre à 22h25 sur France 5.

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